Identités culturelles a Budapest

Une émission de Charles Danet


TRANSCRIPT

Lors du programme que vous allez écouter, j’ai eu des entretiens avec deux personnes, un homme et une femme. Lui s’appelle Rémy Berréby, il est âgé de 50 ans et né ŕ Paris, elle s’appelle Diana Szentgyörgyi est âgée de 29 ans, et née en Hongrie, elle a passé dix ans de sa vie en France lors de son adolescence, pendant lesquels elle est allée au lycée et a fait ses études. Leur point commun est qu’ils ont tous deux décidé de venir vivre ŕ Budapest, il y a cinq ans pour Rémy, et un an et demi pour Diana. Le fait que leurs âges et leurs sexes soient différents était un choix, afin de pouvoir confronter leurs points de vue sur ce qu’ils pensent de la France et de la Hongrie, et surtout sur leurs impressions concernant les différences entre leur vie d’avant, et celle qu’ils vivent aujourd’hui. L’évolution de leur identité ŕ travers ce changement d’habitat et d’habitudes, sera l’une des questions abordées. Je m’appuierai réguličrement sur la réflexion employée par le professeur Patrick Charaudeau de l’Université de Paris 13 dans son texte L’identité culturelle entre soi et l’autre, issu des Actes du colloque de Louvain-la-Neuve en 2005. Pour en citer un extrait, le problčme de l’identité commence quand on parle de moi. Qui suis-je ? Celui que je crois ętre, ou celui que l’autre dit que je suis ? Moi qui me regarde, ou moi ŕ travers le regard de l’autre ? Quand je me regarde, puis-je me voir sans un regard extérieur qui s’interpose entre moi et moi ? Fin de la citation. Selon Aristote dans Ethique ŕ Nicomaque, l’homme est un animal politique. Fin de la citation. L’homme est donc naturellement fait pour vivre avec ses semblables. On peut cependant se demander sur quels critčres reconnaître ses semblables, lorsque l’on décide de partir s’installer dans un nouveau pays ? Pour reprendre les mots de Patrick Charaudeau, lorsque l’on évoque l’identité, s’agit-il de moi en tant qu’individu ou en tant qu’appartenant ŕ un groupe ?  Mais n’appartenons-nous qu’ŕ un seul groupe ou n’avons-nous pas une multi-appartenance ? Fin de la citation. C’est ŕ l’écoute des deux personnes interrogées que je vais tenter de répondre ŕ ces questions. Début de l’interview, les deux entretiens sont coupés et montés ensemble, avec la réponse des deux personnes l’une aprčs l’autre ŕ chaque question pour les comparer. Les entretiens sont montés et séparés selon les thčmes abordés, chaque partie présente ci-dessous permet une transition, la transition étant esquissée par la fin des questions réponses, et permet d’introduire une nouvelle partie.

Nous ne pouvons échapper ŕ ŕ ce désir, inessentiel dirait Jacques Lacan, d’un autre soi-męme. Paradoxalement, Patrick Charaudeau raconte dans son article L’identité culturelle, entre soi et l’autre, une histoire intéressante. ‘Comme tous les matins, entre neuf heures et dix heures, un fou fait sa promenade dans la cour de l’asile. Mais ce matin-lŕ ne va pas ętre comme les autres, car quelque chose l’intrigue : l’espace qu’il parcourt toujours de la męme maničre, depuis bientôt quinze ans, cet espace est entouré de murs. Comment se fait-il qu’il ne l’avait jamais remarqué ? Que peut-il y avoir derričre ces murs : le néant, un autre monde, l’au-delŕ peut-ętre ? Pris par la curiosité de savoir, il grimpe sur l’un des murs et, arrivé en haut, se penche vers l’autre côté pour regarder. Lŕ, il voit des gens qui circulent dans un autre espace. Quelque peu étonné, il arręte l’un des passants et lui demande : « Dites-donc, mon brave, vous ętes nombreux lŕ-dedans ? »’Selon Charaudeau, cette histoire de fou est tout ŕ fait exemplaire de la maničre dont se construit et fonctionne l’identité culturelle. La perception de la différence de l’autre constitue d’abord la preuve de sa propre identité : « il est différent de moi, donc je suis différent de lui, donc j’existe ».’ Cette théorie s’applique ŕ la maničre dont Rémy se conçoit en opposition aux autres français vivant ŕ Budapest. De la męme maničre Diana dénigre la population hongroise.

A supposer que l’on ait une identité, on peut se demander si elle est toujours le résultat d’une construction volontariste comme on le voit chez les populations de migrants qui doivent s’intégrer dans un pays autre que celui de leur origine. C’est notamment le cas de Diana, lorsque celle-ci affirme vouloir dessiner un nouveau drapeau symbolisant le mieux son identité multiculturelle, tandis que Rémy lui se voit clairement représenté par le drapeau français, peut ętre est-ce ŕ cause des différentes langues que parle Diana tandis que Rémy ne parle que le français.

La question du langage utilisé est évidemment primordiale, elle permet au locuteur de se sentir appartenir ŕ un groupe oů chacun parle la męme langue et donc se comprend. Selon Patrick Charaudeau dans son article Identité linguistique, identité culturelle : une relation paradoxale L’activité de langage est en quelque sorte un gage de liberté de l’individu comme possibilité d’interrogation et d’analyse sur l’autre et sur soi. Fin de citation.

C’était Identités culturelles ŕ Budapest, une émission de Charles Danet, produite ŕ Budapest sur la radio EPER en 2014.

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